La pluie bat le pavé, emplissant l'habitacle d'un bruit blanc sourd, rendant presque inaudible la chaîne de nouvelles en continu crachée par l'autoradio. Quelques mots parviennent à mes oreilles, sans que je réussisse à en extraire un quelconque sens. Les essuies-glace, frénétiques, peinent à évacuer l'eau qui s'accumule en moins d'une seconde.

Bien que je sois coutumier de cette 2x2 voies toute droite, je ralentis « au cas où » quelque chose survienne. Mes sens sont aux abois, mes pupilles se dilatent pour compenser ce qui semble être le faible éclairage des phares, pourtant sur leur puissance maximale.

Je tremble un peu, j'aurais pu prévoir toute cette situation, j'aurais du m'y préparer. Contraction. Un nœud qui se resserre dans mon estomac. Niveau temps je suis très limite. Je connais l’enchaînement des symptômes. Bientôt le poids dans la poitrine, les céphalées éclair. Parfois la perte de connaissance.

J'arrive à distinguer le panneau « Bellegrade », presque par chance. Je ralentis — à peine, je suis déjà assez lent — et je sens mon pout s'accélérer. Je baisse la radio, comme s'il me manquait ça. Je me rappelle les indications données 30mn auparavant sur le répondeur automatique chiffré:

Sortie 3, Bellegrade, puis gauche / droite / gauche, tout de suite à gauche après l'entrée. Pas de téléphone. Venez seul.

Cryptique, mais ça ne m'étonne pas que les types prennent des mesures de sécurité, ça avait été tout une histoire pour accéder à ce répondeur.

Stop. Je tourne à gauche, première à droite et bifurcation sur la gauche. Je rentre dans un tunnel à sens unique. Au moins la pluie cesse. Tout de suite à gauche, une sortie d'urgence. Je m'y gare.

La lumière bleue des néons rajoute du froid au froid, comme si même mes os eux-mêmes étaient trempés.

Les lumières s'éteignent, mes jambes flageolent, et une douleur type "coup de massue derrière la tête". Je vois des étoiles, j'ai la tête qui tourne.

Allez, c'est rien.

Je m'allonge un peu. L'intérieur cuir de la Mercedes me donne un peu de répit. Je laisse tourner le moteur, tant pis pour le climat. Je prends le dernier morceau de sucre dans la poche de mon manteau. C'est le troisième, ça devrait me permettre de tenir encore 30 minutes.

Allez, c'est rien, juste mon corps en manque. Je pensais pas qu'on pouvait être accro à ça.

Je sens le mal de crâne qui commence à monter, comme un parfum trop fort qui prends toute la place. Je coupe le contact, et je sors. Manteau, bonnet, écharpe. Lunettes de soleil. Trop de lumière.

Je marche vers l'ancienne station service. Au niveau de la pompe un type avec un masque de renard me regarde. J'approche.

Il me dit: « Bienvenue, gamin.
Qu'est-ce qu'il te faut ? »

J'ose à peine le regarder, je sens les gouttes de sueur perler sur ma nuque. Allons, c'est rien. Avant, c'était légal, j'ai rien à me reprocher, juste une sale addiction.

« Vous avez de la Praline ? Me faudrait 80 grammes de Pralin »

80g de pralin, 02 février 2025